L'AN PROCHAIN LA RÉVOLUTION un film de Frédéric Goldbronn (2010) |
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L'an prochain, la révolution, c'est le cri d'espoir de toute une génération du Yiddishland du début du XXe siècle. Une génération qui conjuguait souvent judaïsme avec socialisme voire marxisme et qui s'impliqua avec passion dans les mouvements révolutionnaires. C'est aussi un clin d'œil aux vœux « L'An Prochain à Jérusalem », que tout juif pratiquant prononce à la fin de la fête de Pessa'h, la Pâque juive. C'est aussi le titre que le rescapé du Vel d'Hiv et désormais historien et essayiste Maurice Rajsfus avait donné à un de ses ouvrages paru en 1983. Un titre emblématique, puisque le jeune Maurice qui vit lors de la rafle du Vel d'Hiv ses parents arrêtés par la police française dans leur petit immeuble d'Aubervilliers, parents qui disparurent à jamais, a forgé puis consolidé un idéal révolutionnaire qui l'a poussé jusqu'à aujourd'hui à rejeter en bloc tous les symboles de l'ordre établi. Seulement titulaire au départ d'un certificat d'études, Maurice Rafsfus est devenu écrivain et historien, passant même sur le tard un doctorat de sociologie. Au compteur, une trentaine d'ouvrages qui, outre quelques témoignages historiques pour évoquer la cruelle période de l'Occupation nazie, ont surtout pour objectif d'éveiller l'esprit critique du citoyen, voire de lui donner des armes possibles pour la résistance face aux outils de la répression aujourd'hui. Maurice Rajsfus, c'est le champion des titres qui font grincer des dents la maréchaussée sarkozyste : « Les Mercenaires de la République », « À vos ordres jamais plus », autant de pavés dans la tronche des bleus même s'ils sont de papier. Maurice Rajsfus, d'abord très jeune résistant communiste puis exclu du parti pour « hitléro-trotskisme » (ah ! le parti avait autrefois le sens de la formule délicate) avant de rejoindre l'obédience libertaire, luttant contre le sursaut fasciste en présidant Ras L'Front dans les années 90. On connait un peu les engagements publics de Maurice Rajsfus, mais Frédéric Goldronn, tel le fils spirituel qu'il pourrait être, a choisi d'explorer le Rajsfus intime. Il revient sur cette banlieue crapoteuse, et même dans l'immeuble qui l'a vu grandir à la fin des années 20, dans ces quartiers largement réservée à l'immigration venue d'Europe centrale, les parents de Maurice venant pleins d'espoir de Pologne dans le pays des Lumières. On l'imagine au bord d'un canal crasseux, dans lequel les gamins intrépides plongeaient avec plaisir en dépit des reliquats d'hydrocarbures qui collaient à la peau. Moment émouvant quand il se souvient des pas de la police française dans l'escalier le jour où il vit partir ses parents. Frédéric Goldbronn crée avec Maurice Rajsfus une intimité d'autant plus troublante que le réalisateur est de père inconnu, sa mère trop vite disparue, également d'origine juive, ayant toujours refusé de donner l'identité de cet homme. Et très vite on sent l'empathie entre les deux hommes, pourtant séparés par trente ans mais qu'un certain vécu et un certain engagement réunissent. Et inévitablement si l'on parle d'engagement, Maurice Rajsfus revient sur l'engagement sans faille contre toutes les répressions et ses acteurs immuables, les policiers dont il n'hésite pas à tracer un profil psychologique peu reluisant. Pour lui, la répression, même si elle a des degrés de gravité, a toujours les mêmes ressorts et des acteurs semblables, que l'on s'intéresse à la répression nazie, stalinienne, patronale, celle des petits et des grands chefs ou celles des policiers de l'immigration. Et toujours sa capacité d'indignation est intacte. Quant à Frédéric Goldbronn qui, avec Diego, avait tracé avec brio le parcours d'un anarchiste de la CNT anti-franquiste et, avec Georges Courtois, celui d'un gangster révolté contre le bulldozer de la machine judiciaire qui ne laisse pas de place à la rédemption, il s'avère un brillant spécialiste des destins de combattants. |
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